los à la jouissance de notre
condition,
révélés à nous-mêmes
et affermis en solitude,
affranchis
tout à la fois
des idoles et de l'angoisse
de leur disparition,
nous
sommes toujours capables
de penser et de dire qui nous sommes,
anarchistes !
Que notre décision
soit du côté du faible,
et toujours opposée
à
qui l'a rendu tel,
que notre bras retienne
qui veut mener le monde,
peu compte que ce soit
pour un bien ou un mal,
car à nos yeux le
monde n'est pas à gouverner.
Le monde est à vivre.
Vivre n'est pas
vaincre.
Vivre c'est aimer.
Jamais l'anarchie ne vaincra.
Que vive l'anarchie
qui ne tient pas dans un livre,
mais qui entre
toute entière
dans un seul être humain,
car l'anarchie,
c'est
l'anarchiste,
qui vomit la doctrine et combat le pouvoir.
L'anarchiste
tente une réponse au « qui suis-je ? »,
risque l'aventure de l'altérité.
L'anarchiste
n'adhère pas à un
programme politique,
mais à un mode de vie.
En prenant le risque et
le plaisir
de l'ouverture de sa solitude existentielle
à autrui,
l'anarchiste
est autre, absolument.
Il propose non pas le meilleur
des mondes,
mais une pensée engagée,
axée sur l'idée d'humanité,
une
pensée consciente
de la responsabilitité éthique de l'être humain
en
tant qu'acteur
de la vita activa.
Il vise une existence
dont la
pensée et l'action ne font qu'un.
Il veut, par son action,
manifester la vie humaine
comme vie responsable,
élevée
au-dessus
de l'agitation
de la vie pour la vie.
Qui suis-je?
La pensée engagée
qui se confronte à cette question,
sort de l'indécision
qui paralyse l'audace,
inhibe l'engagement
social.
Pour lever l'inertie
du scepticisme général,
la pensée
anarchiste
propose une prestation
à haut risque,
à savoir placer
l'être humain
face à ses facultés les plus extrêmes
qui sont
la mort
et la vie.
Il en va de la vision de la condition humaine.
L'être humain
est mortel,
sa vie lui fut offerte.
On ne sait
comment, mais il y a eu don.
Don d'existence.
L'être humain
est
mortel
en tant qu'il est né,
c'est-à-dire en tant qu'il s'est ancré
dans la conscience.
Cette conscience
le rend différent des choses.
Contrairement à elles,
il n'a pas été produit,
il ne peut donc
être déjeté.
En ce sens, la naissance est garante
de la dimension
éthique
de l'être humain,
chaque naissance dit à la fois
et
diversité
et unicité,
et humanité.
L'être humain,
qui n'a pas été produit,
n'est pas davantage
un
outil de production.
On ne peut réduire l'être humain
à l'une de ses
facultés.
L'être humain,
qui n'est ni une chose,
ni un outil,
déborde sa propre dimension physique.
On ne peut donc
ni le saisir,
ni le détruire.
Pourtant la femme et l'homme
sont avec les déchets
alentour des grandes villes,
balancés aux catastrophes
comme des
bidons de rien,
on les nie d'un seul mot,
on les écrase d'une seule
main.
On ne nous apprend rien
sur le meilleur des mondes.
Dans sa dimension sociale,
l'anarchiste
fait l'expérience
de
l'altérité
en faisant celle de la faiblesse.
Il touche aux coins de
gale,
fait sienne
la vie friable
de ceux que l'on néglige,
à qui
l'on fait violence.
L'anarchiste
qui ne méconnaît
ni la finitude,
ni la naissance,
mais hostile à toute pensée subjective
qui
présuppose une maîtrise de la vérité,
garde l'être humain
au cœur de son
esprit,
et pose les plus faibles
au milieu de sa vie.
Nous ne sommes pas des communistes,
ni des individualistes.
Ni
camarades,
ni citoyens.
Nous sommes les anarchistes.
Ne soumettons
pas aux deux tyrans humains,
d'abord à la doctrine
qui est folie du
monde,
ensuite à la paresse
qui est mort de l'intelligence,
la
souveraineté
de notre décision.
Que notre décision
soit du côté du
faible,
et toujours opposée
à qui l'a rendu tel,
que notre bras
retienne
qui veut mener le monde,
peu compte que ce soit
pour un
bien ou un mal,
car à nos yeux le monde n'est pas à gouverner.
Le monde
est à aimer.
Aimer n'est pas régir.
Jamais l'anarchie ne règnera.
Vive l'anarchie !
Philippe Rahmy
(Suisse)